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Atténuation du bruit et grain d’images :
principes, nouveautés, et implications pour le cinéma
(exemple d’application au tournage de nuit – night for night –
réduire les coûts et améliorer la qualité)
 



Editorial

Ce numéro de NEXYAD FX fait le point sur la notion de « bruit d’image » (grain argentique pour une pellicule, bruit électronique pour une caméra numérique). Nous expliquons très synthétiquement les grands principes qui conduisent à la construction de ce bruit et expliquons quels impacts  non souhaités il peut avoir sur un rendu cinéma.

Même dans le cas où ce bruit est considéré comme un grain qui participe de la création artistique (au même titre que les mouvements de la caméra), nous expliquons pourquoi il peut y avoir un intérêt technique et artistique à le supprimer avant de démarrer l’étalonnage, quitte à le rajouter ensuite, comme un effet spécial.

Nous expliquons en quoi l’atténuation de ce bruit est une tâche complexe, et présentons les nouveautés.

Nous focalisons ensuite sur l’application des méthodes modernes de débruitage d’images au tournage de nuit (night for night), et à la compatibilité des plans de nuit réelle (night for night) et de nuits américaines (day for night). Nous montrons que le débruitage permet de réduire les coûts de production en permettant des tournages avec très peu d’éclairage (ce qui conduit  aussi à  ne pas dénaturer l’ambiance nocturne en rajoutant des éclairages partout).

Pellicule


Par ailleurs, dans la rubrique « news », vous trouverez deux bouts d’essais de nuit américaine – day for night –
 - l’un réalisé en collaboration avec le Directeur de la Photographie Philippe Piffeteau, : comment traiter en nuit américaine  un personnage filmé de jour (en plein soleil) sans éclairage d’appoint tout en travaillant un effet de nuit très sombre avec nuages, croissant de lune, reflets brillants sur l’eau, et éclairages publics au loin.
 - l’autre réalisé par NEXYAD qui montre le rendu en nuit américaine – day for night - d’une scène tournée de jour avec des personnages autour d’un feu de camp : aspect du feu, reflets du feu sur les visages.



1 – Capture d’images : principes

Le cinéma met en œuvre deux grands principes de capture d’images :
-    Le film argentique
-    La vidéo numérique

Il est intéressant de constater que l’on retrouve des similarités physiques dans ces principes au départ bien différents, mais qui font dans tous les cas intervenir :
-    Les photons : grains de lumière, ils sont le reflet de la scène à capturer sous forme d’image
-    Les électrons : grains de l’énergie électrique qui servent à fabriquer l’image


Cas de la pellicule argentique :

Pellicule
 
Une pellicule est constituée d’un film en plastique recouvert d’une émulsion comportant des cristaux d’halogénure d’argent ou de bromure d’argent. Ces cristaux contiennent des ions d’argent et /ou des ions de brome. Lorsque des photons provenant de la scène arrivent sur la pellicule, ils sont absorbés par le film et un électron est libéré et est capté par un ion qui se transforme en atome d’argent. Ce dernier est transformé en particule noire lors de l’opération de développement photographique.




Cas d’un capteur numérique CCD (Charge-Coupled Device, ou dispositif à transfert de charge)
 
CCD

Une matrice CCD est constituée d’éléments qui libèrent des électrons par effet photo-électrique quand ils sont frappés par des photons provenant de la scène filmée. Ces électrons sont stockés (accumulés) sur des sites en nombre proportionnel à l’éclairement, puis transférés sur un composant qui les transforme en une tension électrique qui est le niveau du pixel.

NB : lorsqu’un site est remplis de charges, il peut « déborder » et remplir les sites voisins (blooming).



Cas d’un capteur numérique C-MOS

CMOS
 
Un capteur C-MOS est constitué de cellules de base qui sont des semi -conducteurs photosensibles : ils sont isolants et ne laissent pas passer le courant en l’absence de lumière, et libèrent des électrons (et laissent donc passer le courant électrique) lorsqu’ils reçoivent les photons provenant de la scène filmée. NB : comme il n’y a plus l’étape d’accumulation de charges, le C-MOS permet donc de tenir des cadences d’images très élevées, et l’intégration (miniaturisation) peut être très élevée (donnant accès à de très fortes résolutions angulaires). De même, chaque pixel est adressable individuellement.
Le courant électrique généré est le niveau du pixel.




2 – Notion de bruit d’image

Comme expliqué précédemment, la constitution d’une image passe par l’intervention de la particule élémentaire de l’électricité : l’électron.

Or, il se trouve que :
- les électrons ont « la bougeotte » : ils peuvent sauter d’un ion/d’un site/ d’un pixel à l’autre …
- d’autres phénomènes physiques que l’éclairement libèrent aussi des électrons (la température ambiante par exemple : on parle d’agitation thermique). Ces électrons supplémentaires  viennent se superposer aux électrons produits par l’éclairement.

On a donc en réalité toujours deux images qui se superposent en permanence :
- l’image souhaitée, construite par des électrons générés uniquement par la lumière provenant de la scène
- l’image parasite (appelée « bruit d’image »)  générée par les électrons parasites

Cette image parasite a un niveau de dynamique indépendant de la dynamique de l’image souhaitée : cela signifie que le « bruit » d’image se verra d’autant plus que le niveau de l’image souhaité est faible : on parle de « rapport signal sur bruit ».

On peut d’ailleurs visualiser le bruit seul lorsque l’on capture une image dans le noir absolu : l’image théorique est identiquement noire alors que l’image captée est constituée de petits grains (on parle de bruit d’obscurité de la caméra, ou de la pellicule).

Nous montrons ci-dessous un exemple d’image bruitée (Image rush  ALCATRAZ Production, série TV « Tout nuit gravement à la santé ») :
 

Exemple d’image bruitée :

Noise
 
 
Extrait de l’image bruitée : mur blanc uniforme avec du bruit d’images

Noise Crop



Un étalonnage qui augmenterait les contrastes entre les highlights et les middle amplifierait considérablement ce bruit : pour cette raison, un étalonneur professionnel, à partir de ce type d’images, bridera – et il aura raison - les aspirations esthétiques et/ou artistiques du Directeur de la Photographie et/ou du Réalisateur par des considérations de qualité technique d’images.

 


Noise
 
Extrait de l’image bruitée : cheveux avec du bruit d’image

Noise Crop



Un étalonnage qui augmenterait les contrastes de luminance dans cette plage ou qui chercherait à modifier certaines teintes pour faire  ressortir les reflets blonds et roux,  amplifierait considérablement ce bruit : là encore le bruit constitue une limitation au travail de l’image.




3 – Effets cinématographiques indésirables causés par le bruit d’image

Le bruit d’image est généralement considéré comme un problème à atténuer le plus possible. Notons qu’il peut tout de même exister des cas où ce « grain » rajouté à l’image peut participer de la construction artistique. Dans ce cas, il est tout de même préférable de retirer, dans un premier temps, ce bruit natif,  de traiter et d’étalonner les images, puis de rajouter à la fin un grain choisi (celui d’origine ou un autre, en dosant comme on le souhaite sa dureté et son amplitude, ainsi que les types de zones où l’on voudrait le percevoir le mieux : par exemple, du grain sur les dégradés de gris middle mais pas sur les aplats sombres ou lumineux).

Les principaux effets indésirables causés par le bruit d’image sont :
-    Le masquage des mouvements : les grains aléatoires générés sur chaque image provoquent lors du visionnage de la vidéo (ou du film) un fourmillement animé (on parle de neige électronique) qui brouille la perception des mouvements : le cerveau règle son seuil de vigilance et de perception des mouvements à un niveau qui lui permet d’ignorer le plus possible le mouvement brownien de cette  neige électronique. Cela empêche de décoder les petits mouvements de la scène.

-    Le masquage des détails de l’image : le bruit est constitué de petits grains, aléatoirement colorés et éclairés, qui ont la même taille que les détails fins de l’image (comme les contours, les éléments de textures, …). Là encore, pour ignorer le bruit, le cerveau se cale sur un niveau de vigilance qui l’empêche d’interpréter correctement les détails fins de l’image.

-    Le brouillage des scènes peu éclairées : les scènes peu éclairées (exemple : tournage night for night) conduisent à une image dont la dynamique est plutôt faible : en l’amplifiant pour la rendre clairement visible, on amplifie aussi le bruit, ce qui conduit à des images de très mauvaise qualité. Pour pallier ce problème de mauvais rapport signal sur bruit, les tournages de nuit sont souvent très éclairés, ce qui change leur nature intrinsèque (quand on éclaire beaucoup on perd l’impression de nuit finalement).

-    Le brouillage des effets de profondeur de champ : les cinéastes jouent avec la profondeur de champ (effets flou/net) pour focaliser notre attention sur certains éléments de la scène. Or, le bruit électronique, lui, est superposé à l’image utile, indépendamment des réglages de l’optique de prise de vue : en clair, le bruit est « toujours net ». Cela empêche de percevoir clairement les différences de mise au point dans la scène, masquant alors l’effet artistique souhaité.

-    La limitation des possibilités d’étalonnage : sur un étalonnage dit « avancé » (type « The Matrix », « 300 », « Amélie Poulain », …), les teintes et les contrastes sont fortement modifiés, ce qui a pour effet indésirable de faire ressortir le bruit d’image (même s’il était invisible sur le rush). Cela contraint les étalonneurs à rester dans des limites où le bruit n’est pas trop gênant visuellement (mais le résultats est dans ce cas forcément plus fade que si les effets d’étalonnages pouvaient être poussés plus fort).

-    Ce n’est pas « réaliste » du tout : lorsque l’on regarde devant soi (avec ses yeux, sans caméra), même quand il fait sombre, on ne voit pas de petits grains en mouvement : cet effet n’est donc pas réaliste, il est une production de la caméra et non de la scène.

Tous ces effets potentiellement indésirables du bruit d’image justifient le fait que l’on cherche le plus possible à l’atténuer. Et quand on souhaite à la fin que le film ait du grain, il est beaucoup plus efficace de l’enlever en début de post production, puis de le rajouter (à l’identique, modifié/atténué, d’en rajouter un autre avec un outil d’effets spéciaux, …).




4 – Suppression du bruit : une tâche complexe


Notons que dans le cas d’un capteur numérique, on peut déjà baisser considérablement le niveau de bruit en refroidissant la caméra. D’ailleurs, des blogs d’utilisateurs de caméras numériques font souvent mention de la nécessité de couper la caméra entre deux prises (au lieu de la laisser allumée), ou de déporter l’écran de visualisation loin de la caméra. Ces remarques sont basées sur des observations empiriques et ne proposent généralement pas d’explication. Or, l’explication est très simple : la caméra numérique refroidit lorsqu’on l’éteint, et le capteur a des caractéristiques de rapport signal sur bruit sensiblement différentes dans les premières secondes de mise sous tension et après. De même, l’écran de visualisation chauffe, et il est préférable de ce fait de le tenir éloigné du capteur.
 
Nous préconisons l’utilisation systématique d’un boitier de refroidissement.

Mais dans tous les cas, lorsque les images ont été capturées, on peut souhaiter atténuer le bruit.

Le bruit peut être caractérisé par deux grandes caractéristiques :
-    Il est constitué de grains très fins : si l’on atténue les détails fins de l’image, on atténue le bruit. Mais bien sûr, dans ce cas, on floute aussi l’image. On perd du détail.
-    Il est temporellement aléatoire et est donc différent à chaque image dans une séquence : le clignotement des grains s’opère donc à la vitesse de rafraichissement des images (24 images par seconde en cinéma, 25 images par seconde en vidéo). En ralentissant les modifications rapides d’une image à l’autre, on peut donc atténuer le bruit. Mais bien sûr, on ralentit aussi dans ce cas les modifications « utiles », celles qui sont dues au mouvement de la caméra et aux mouvements propres des objets et des comédiens, ce qui crée un artefact visuel d’image fantôme (on a l’impression que des fantômes transparents suivent les objets qui ont un mouvement apparent dans l’image).

Cela explique la relative inefficacité des traitements intégrés dans les logiciels du commerce.

On peut imaginer utiliser deux autres caractéristiques, plus évoluées :
-    Les contours et les textures sont la jointure de régions dans l’image qui révèlent une structure cohérente, alors que les grains de bruit ne délimitent aucune structure cohérente. Si l’on sait reconnaître les détails qui ne délimitent pas d’éléments structurels, on peut alors atténuer le bruit sans atténuer les détails utiles de l’image (même les détails fins qui ont la taille d’un grain de bruit).
-    La trace temporelle des grains de bruit (sur un pixel donné, tout le long d’un film), génère un signal aléatoire, alors que les signaux générés par des mouvements dans la scène ou par les mouvements de la caméra sont des signaux déterministes. Si l’on sait « reconnaître le hasard » (c’est-à-dire si l’on sait séparer la partie aléatoire de la partie déterministe dans un signal), alors on peut atténuer le bruit sans générer d’images fantômes.

 



5 – Mise en œuvre de méthodes avancées de suppression du bruit d’image

La société NEXYAD a développé des algorithmes avancés de traitement d’images et de traitement du signal qui implémentent les principes évolués présentés précédemment.

Cela permet d’atténuer le bruit d’image dans une proportion jusqu’alors inatteignable.

Les applications sont très nombreuses, mais sont évidemment particulièrement impressionnantes lorsque le bruit est très fort au départ, ce qui est le cas, par exemple, lors des tournages avec très peu de lumière (night for night).

Nous développons cette application dans le paragraphe suivent.





6 – Application au tournage de nuit (night for night)

Lors d’un tournage de nuit (night for night), soit on n’éclaire presque pas pour garder l’ambiance (et dans ce cas, le bruit d’image est très fort), soit on éclaire pour améliorer la qualité d’image (et dans ce cas, l’ambiance de nuit est détruite).  Notons de même que l’éclairage fort des scènes de nuit rajoute un coût de tournage très important (coût des éclairages, des équipes techniques, et surtout, temps de mise en œuvre qui ralentit considérablement le tournage).

De même, lorsque des nuits américaines (day for night) et des nuits réelles (night for night) sont enchaînées, la différence de qualité d’image n’est pas acceptable.

Nous montrons 3 séquences de nuit (night for night) : 2 intérieurs, et 1 extérieur. La caméra est le Canon 5D MarkII.

A – shooting intérieur à la lueur de 8 bougies sans aucun éclairage d’appoint

Bougies-Etal
(Cliquez sur l'image pour voir la vidéo)

B – shooting intérieur à la lueur d’une lampe de chevet, sans aucun éclairage d’appoint

Bougies-Etal
(Cliquez sur l'image pour voir la vidéo)

C – shooting extérieur sous des réverbères, sans aucun éclairage d’appoint

Bougies-Etal
(Cliquez sur l'image pour voir la vidéo)




7 – Conclusion synthèse

Nous avons expliqué en quoi ce nettoyage est primordial dans le cas particulier des tournages de nuit, puisque les scènes sombres correspondent à un mauvais rapport signal sur bruit. Nous avons montré des vidéos avant/après pour démontrer l’efficacité du débruitage.

Notons que ce débruitage permet de réduire considérablement le coût de tournage, car l’imperfection de la caméra est en partie rattrapée, et il devient tout à fait possible de tourner avec des sources de lumière très faibles (exemple : 8 bougies, et rien d’autre !). Cela a de plus la vertue de ne pas dénaturer la scène de nuit par des éclairages puissants.

Par ailleurs, nous avons expliqué en quoi ce débruitage était l’une des clés de la faisabilité d’un étalonnage un peu radical (exemple : Amélie Poulain, 300, The Matrix, …). En effet, lorsque l’on augmente les contrastes ou que l’on sature les couleurs, le bruit d’image ressort et devient rapidement très inesthétique. Cela conduit dans la pratique les étalonneurs à limiter les effets pour conserver une qualité d’images acceptable. Notre débruitage autorise les étalonneurs à pousser leurs effets s’ils le souhaitent.

Enfin, nous avons expliqué pourquoi il est préférable de supprimer le bruit en début de post production, même lorsque l’on souhaite que le film ait un grain (pour des raisons artistiques) : le grain peut avantageusement être rajouté à la fin.

Nous illustrons cela par 3 étalonnages (il s’agit de la partie « effet spécial » de l’étalonnage, en pratique, ces séquences doivent ensuite passer entre les mains du coloriste étalonneur pour prendre en compte les aspects « projection » et pour unifier les différentes séquences d’un même film). Ces étalonnages ne seraient pas possibles sans avoir débruité auparavant les images.


Bougies-Etal
(Cliquez sur l'image pour voir la vidéo)

Bougies-Etal
(Cliquez sur l'image pour voir la vidéo)

Bougies-Etal
(Cliquez sur l'image pour voir la vidéo)



Pour en savoir plus, contacter NEXYAD :  contact@nexyad.net

 

 

NEWS
Puce_Nex NEXYAD a fait un bout d’essai day for night avec un feu de camp.

Feu de camp
(Cliquez sur l'image pour voir la vidéo)

(Canon 5D Mark II – nuit américaine sur un feu et reflets sur les personnages)


Puce_Nex NEXYAD a fait des bouts d’essais avec le Directeur de la Photographie Philippe Piffeteau.

Day for Night
(Cliquez sur l'image pour voir les vidéos)

(film 35 mm, test d’effets day for night – nuit américaine)


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NEXYAD FX n°1 : focus sur l’effet « nuit américaine » (day for night) : ICI

Clip